La Communauté des Mustangueurs n’est pas d’accord sur l’identité du premier propriétaire de Mustang dans le monde. Effectivement, certains estiment qu’il s’agit de Ron Hermann, âgé de seulement 17 ans à l’époque alors que d’autres favorisent le canadien Stanley Tucker. Enfin, comme nous l’avons vu la semaine dernière, Ford reconnaît Gail (Brown) Wise comme la première propriétaire de Mustang. Quelles sont leurs histoires ? Pouvons-nous trancher ? Je vais essayer de vous donner des pistes qui vous permettront de vous faire une idée sur le sujet.

Ford ayant décidé de lancer la Mustang le 17 avril 1964, une grande majorité des concessionnaires devaient pouvoir exposer la voiture ce jour-là (lire aussi notre article : Les origines de la Ford Mustang). Ainsi, des voitures sont envoyées aux quatre coins du pays (et du Canada) quelques semaines en avance. C’est de cette façon que certains chanceux ont pu mettre la main sur cette voiture mythique un peu avant le commun des mortels.

Ronald Hermann, l’adolescent de dix-sept ans

Ce fut notamment le cas de Ron Hermann, ce jeune homme d’à peine 17 printemps dont le père est un ami du directeur de la concession Barr Ford, à Philadelphie (Pennsylvanie, USA). Ce dernier ayant reçu une Mustang décapotable bleue flambant neuve laisse le garçon voir à quoi elle ressemble. Ron tombe sous son charme et s’engage à acheter l’auto. Nous sommes alors le 8 avril, une bonne semaine avant l’annonce officielle de Ford.

Hélas pour notre adolescent, les choses ne sont pas si simple. Il ne peut pas repartir avec sa Mustang tout de suite puisque celle-ci n’est pas disponible à la vente. En effet, cette Mustang doit faire le tour des concessionnaires locaux pour servir de modèle d’exposition. Ron se souvient avoir versé 100 dollars d’arrhes ce jour-là pour réserver la voiture. Il fait ensuite le tour des concessionnaires, plusieurs semaines durant, suivant sa futur nouvelle Mustang, en avertissant les spectateurs de ne pas toucher son bien… Trois mois après son coup de foudre, il prend finalement possession de son bien. C’est du moins ce que raconte l’histoire.

Pour ne pas arranger la situation, la facture initiale concernant cette transaction a été perdue. Hermann est bien devenue propriétaire de cette Mustang cabriolet bleue mais son title (l’équivalent de notre certificat d’immatriculation français) est daté du 14 mai 1964.

En 2016, cette même Mustang affiche 17 000 miles au compteur et chausse toujours ses pneus d’origine. C’est un bel exemplaire que l’on qualifie aujourd’hui de « survivor » (modèle authentique non restauré mais en bel état).

Ronald Hermann, en 2007, au volant de sa Mustang 64 1/2, accompagné par sa petite fille.
Ronald Hermann, en 2007, au volant de sa Mustang 64 1/2, accompagné par sa petite fille.

Stanley Tucker, le pilote de ligne canadien

Un homme persuasif

Nous sommes le 14 avril 1964, soit trois jours avant l’annonce officiel de Ford. Un certain Stanley Tucker, pilote de 33 ans travaillant pour la Eastern Provincial Airlines, se rend chez son concessionnaire George Parsons Ford, à St John’s, dans la province de Terre-Neuve, au Canada. Là, il rencontre la Mustang de pré-production 5F08F100001 (lire aussi notre article : La première Mustang hardtop de l’Histoire… aux enchères!). Celle-ci porte le premier VIN (Véhicule Identification Number) attribué à une Mustang. Cette belle décapotable de couleur Wimbledon White lui fait de l’œil. Si nous ne connaissons pas l’identité du vendeur, nous pouvons affirmer que Stanley est un excellent négociant puisqu’il parvient à repartir avec la voiture le jour-même. Le vendeur fait ainsi une grosse erreur. En plus de vendre une voiture qui n’est pas encore annoncée officiellement par la marque, il vend une voiture qui n’aurait jamais du se retrouver sur les routes.

Une Mustang de pré-production

En effet, cette Mustang possédant le premier numéro de série fait partie d’un lot de 180 voitures de pré-production construites entre le 10 février et le 5 mars 1964. Ce lot avait été conçu principalement pour deux raisons :

  1. familiariser les équipes de production avec le processus de fabrication des voitures ;
  2. servir de modèle de démonstration chez les principaux concessionnaires Ford.

D’ailleurs, s’agissant de modèles de pré-production, il est possible de remarquer que ces modèles ne sont pas parfaits. Effectivement, on constate notamment que l’ajustement du capot n’est pas soigné, que les boutons de verrouillage de la porte n’ont pas d’œillets à leurs bases, la couleur de la grille avant tend plus vers le gris que la teinte bleutée observée sur les voitures de production, le bloc moteur est peint en gris au lieu du noir habituel, etc. Ces détails sont corrigés dès la mise en production officielle le 9 mars 1964.

Retour au bercail

Peu de temps après son achat, Tucker est contacté par Ford. La marque s’aperçoit de l’erreur et souhaite ainsi récupérer 5F08F100001. Sans surprise, le jeune pilote refuse. Il passe même deux ans à conduire sa Mustang de pré-production et réalise pas moins de 10 000 miles (16 000 kilomètres) avec celle-ci. Finalement, en 1966, Ford lui fait une proposition suffisamment intéressante pour que Tucker réfléchisse sérieusement au marché. En échange de 5F08F100001, Tucker se voit proposée la millionième Mustang équipée des options qu’il désire. Assurément tenté, Stanley accepte et coche l’ensemble des options sauf le moteur High Performance 289 qui dispose d’une période de garantie plus courte que les autres options disponibles.

Sa nouvelle Mustang décapotable 66 de couleur Silver Frost lui est remise le 2 mars 1966. C’est également la date à laquelle il rencontre Lee Iacocca, le vice-président de la marque à l’ovale bleu.

Le Capitaine Stanley Tucker de St. Johns, Terre-Neuve avec sa Ford Mustang 1965, copyright Ford.
Le Capitaine Stanley Tucker de St. Johns, Terre-Neuve avec sa Ford Mustang 1965, copyright Ford.

Gail Brown, la jeune institutrice

Comme vous aviez pu le lire dans notre article « Qui est Gail (Brown) Wise ?« , Gail Brown est une jeune institutrice de 22 ans lorsqu’elle acquiert sa Ford Mustang. Celle-ci souhaite un véhicule qui soit cool et décapotable dans le but de se rendre à l’école primaire où elle exerce son activité. C’est avec ses parents qu’elle se rend chez le concessionnaire Ford (Johnson Ford à Chicago) où ces derniers ont acheté plusieurs voitures jusqu’alors. Après avoir fait le tour du showroom du concessionnaire, il s’avère que rien ne convient à Gail. Le vendeur lui parle alors d’une toute nouvelle voiture qu’il a en arrière boutique. En lui montrant, Gail est sous le charme : la voiture lui correspond totalement. Il s’agit d’une Mustang décapotable de couleur Skylight Blue. La jeune femme s’imagine déjà rouler, les cheveux au vent, au volant de cette merveille.

L’institutrice prend alors possession de la belle Mustang le 15 avril 1964, soit deux jours avant que les premières voitures ne soient révélées au public. Pour se payer ce magnifique convertible, elle revend la Chevy ’58 d’une amie à elle et emprunte le reste de la somme à ses parents. La Mustang lui revient ainsi à un total de 3 419 dollars, mais Gail se rendra rapidement compte que la voiture vaut chacun des cents dépensés.

Une photo d'époque de la Mustang 64 1/2 de Gail Brown
Une photo d’époque de la Mustang 64 1/2 de Gail Brown

Pour plus d’informations…

Le musée America on Wheels (Allentown, Pennsylvanie) propose une exposition intitulée « Pony Cars: Then and Now » du 8 avril à octobre 2017. Ce sont deux Mustangs un peu particulières et jamais restaurées qui nous sont présentés durant cette exposition. Tout d’abord, la Mustang II concept car de 1963 (on en parle ici : Les origines de la Ford Mustang) et la Ford Mustang cabriolet de Ron Hermann dont voici quelques photos.

La Mustang de Rob Hermann en excellent état est présentée à l'exposition "Pony Cars: Then and Now" du 8 avril jusqu'en octobre 2017 au musée Allentown's America on Wheels. Photo : Casey Maxon,
La Mustang de Rob Hermann en excellent état est présentée à l’exposition « Pony Cars: Then and Now » du 8 avril jusqu’en octobre 2017 au musée Allentown’s America on Wheels. Photo : Casey Maxon,
Le superbe intérieur laisse apparaître le compteur typique des modèles 65.
Le superbe intérieur laisse apparaître le compteur typique des modèles 65.
Le compartiment moteur est très bien entretenu. Photo : Casey Maxon,
Le compartiment moteur est très bien entretenu. Photo : Casey Maxon,

Sources