Article mis à jour le 16 janvier 2018, suite à la révélation de la Bullitt originale au grand public.
Une course poursuite de plus de dix minutes dans les rues de San Francisco opposant une Ford Mustang 390 GT et une Dodge Charger 440 R/T, ça vous dit quelque chose ? Effectivement, c’est bien le lieutenant Frank Bullitt (Steve McQueen) au volant de son fastback 68 qui tente de rattraper les deux assassins du film éponyme.
Durant le tournage, les acteurs ont parcouru San Francisco en dépassant parfois les 100 miles par heure (160 km/h) ! Pour réaliser l’ensemble des scènes de la Mustang, ce sont deux voitures identiques qui ont été préparées par Max Balchowski (ancien pilote et constructeur de voiture) durant le tournage. Toutes deux étaient de couleur « Highland Green », en carrosserie fastback et étaient pourvues du pack GT sport avec un moteur 390 ci et un carburateur 4V.
- la première (VIN 8R02S125559) a été utilisée pour les prises de vues standards montrant la Mustang sans scènes d’action particulières.
- la seconde (VIN 8R02S125558) était destinée aux scènes de cascade et mise en pièces à la fin du film. Elle a été remise en état mais laissée finalement dans une casse peu de temps après le tournage.
Cet article traite de la première voiture. Il sera suivi d’un autre, la semaine prochaine, qui s’intéressera à la Bullitt 8R02S125558, retrouvée récemment au Mexique…
La Bullitt 8R02S125559
Concernant la première, elle a été vendue déjà trois fois. Il n’est pas facile de trouver des éléments tangibles et chronologiques sur le parcours de cette Mustang, mais voici ce que j’ai pu découvrir, notamment grâce au formidable travail effectué par le journaliste automobile Brad Bowling.
Après sa sortie d’usine, des modifications sont effectuées à la demande de la production du film dont le pont arrière de 4:10, un nouvel embrayage Borg-Warner, un support moteur de 5 tonnes et un volant Shelby.
8R02S125559 est utilisée pour le tournage du film Bullitt qui sortira en salles en octobre 68. Après le tournage du film, la Mustang surnommée Bullitt est envoyée à Precision Auto Body sur l’Hollywood Boulevard (California, USA). Là, des réparations sont effectuées sur le véhicule. Un peu plus de 920 dollars de travaux sont réalisés, incluant le remplacement de la grille avant, du cadre de la grille avant, de l’antenne, et de nombreux autres éléments ainsi que la réparation des pare-chocs avant et arrières. L’écriture, sur la facture datant du 27 novembre n’est pas suffisamment lisible pour identifier toutes les réparations.
Le premier propriétaire
La voiture est ensuite vendue à un employé de la Warner Bros., un certain Robert M. Ross. Suite à de mauvaises expériences avec les journalistes, ce dernier préfère ne pas répondre à la demande d’interview de Brad Bowling, un journaliste travaillant pour un magazine automobiles et qui tente, dans les années 90, de connaître l’historique de cette fameuse voiture. Il lui propose néanmoins de contacter un certain Bill Norton. Ce dernier est alors propriétaire de la « Valley Ford Mustang » à North Hollywood et l’une des rares personnes à avoir conduit cette Mustang.
C’est ainsi que Bill explique au journaliste que la voiture n’est pas en si mauvais état. Il lui avoue même qu’elle était sympa à conduire, très puissante mais aussi vraiment bruyante (car non insonorisée pour le tournage) du temps où il l’utilisait durant des sorties avec Robert. Il se souvient également avoir une boîte avec les feux de la voiture (fournis avec le pack GT) qui avaient été retirés pour le tournage. Robert les avait récupérés en achetant le fastback mais ils ne suivront pas la voiture lorsqu’elle sera vendue au second propriétaire.
Le second propriétaire
De la côte Ouest à la côte Est
En 1970, c’est Frank Marranca, un détective de police situé dans le New Jersey (USA) qui achète la Mustang. C’est grâce à son beau-père, travaillant chez CBS, qu’il parvient à obtenir les coordonnées de Ross. En 1970, Frank acquière Bullitt pour 6 000 dollars. Le 10 novembre de la même année, le fastback est mis dans un train en Californie afin de l’acheminer à son nouveau propriétaire résidant dans le New Jersey. Frank récupère la voiture à Staten Island (New York, USA) le 4 décembre 1970.
A la réception
Si la Mustang semble en bon très état pour une voiture d’occasion, Frank s’aperçoit que certaines pièces sont manquantes ou ont été volées (comme le pommeau de levier de vitesses, par exemple). En dehors de cela, il remarque qu’un bout de ruban adhésif est collé au niveau du compte-tours avec l’indication « LITTLE PIECES » écrite au stylo, avec une flèche pointant entre 7 000 et 8 000 tours/minutes. Pour la petite anecdote, Frank appelle Ross pour lui demander ce que cela indique. Celui-ci lui explique que Balchowski avait écrit cela pour rappeler, durant les scènes d’action, qu’au-delà de ce régime, le moteur pourrait bien finir en pièces. Durant les quatre ans que Frank a la Bullitt en sa possession, il fait installer un levier de vitesse Hurst à quatre vitesses ainsi qu’un coupe-circuit dans l’habitacle, derrière le cendrier.
Ce sera finalement une Chevy !
En avril 1974, Frank décide de se séparer de sa Mustang pour acheter une Chevy Vega Wagon, principalement pour faire plaisir à sa femme. Bullitt a alors seulement 19 000 miles au compteur environ. Frank met une annonce dans le journal Road & Track. Une seule personne répond et lui rachète pour 6 000 dollars, soit la même somme qu’il l’avait lui-même achetée. Il fournit une bonne partie de la documentation associée au véhicule, sauf les documents qui lui avaient été remis par Ross personnellement (sa lettre manuscrite ainsi que ses suggestions de modifications). Il ajoute les plaques californiennes avec le véhicule.
Le troisième propriétaire
C’est un jeune homme de 24 ans qui rachète la Mustang. Brad Bowling parvient à le retrouver et à l’interviewer également en échange de son anonymat. Aujourd’hui, nous savons qu’il s’agit de Robert Kiernan, un cadre travaillant dans les assurances. Ce dernier explique alors au journaliste, dans les années 90, qu’il n’est pas spécialement attiré par les Mustang mais il a acquit celle-ci en raison de son faible prix (6 000 dollars) et du fait qu’elle ait été conduite par une star de cinéma.
1974 – 1980
Entre 1974 et 1980, Robert utilise la Mustang comme voiture de tous les jours. Sa femme, enseignante, l’utilise même pour se rendre à l’école. Durant une sortie, Robert fait un tête à queue avec la Mustang qui se retrouve contre un arbre. Il la fait alors réparer par un garage à Summit (New Jersey, USA). En 1980, les Kiernans doivent déménager du New Jersey pour des raisons professionnelles. Bullitt est alors stockée dans le garage d’un membre de la famille, toujours dans le New Jersey.
Même si Robert ne conduit plus la Mustang, il refuse de la mettre en vente. Il désire effectivement la léguer à son fils, Sean, plus tard. Et pourtant, Steve McQueen lui-même tente en 1977 de la racheter. Le propriétaire refuse poliment l’offre, bien qu’il se sente flatté. Vingt ans plus tard, c’est Chad McQueen, le fils de l’acteur, qui contacte Kiernan pour lui faire une offre. Qu’il décline également.
1990 – 2014
Entre 1990 et 1998, la voiture est déplacée dans une grange de l’Ohio River Valley dans l’état du Kentucky (USA). Là, un employé de la ferme où se situe la grange aperçoit la Mustang. Il prend alors plusieurs photos sans autorisation et les diffuse. Robert, pour sa tranquillité, est ainsi contraint de déplacer Bullitt chez lui dans le Tennessee (USA).
En 2000, Robert explique à Bowling qu’il n’est aujourd’hui plus la seule personne à connaître son identité. Il a effectivement été contacté par les producteurs du film Charlie’s Angels. L’actrice Drew Barrymore tient à ce que son personnage conduise la Mustang originale du film Bullitt. Cela pousse ainsi les producteurs à harceler Kiernan chez lui et à son travail, n’acceptant pas sa décision. Notre propriétaire tenant à sa vie privée, doit menacer les producteurs de porter plainte pour qu’ils le laissent tranquille. Il tient effectivement à conserver son anonymat pour pouvoir remettre la Mustang en état avec son fils. Il promet toutefois d’envisager de montrer la Mustang en public si un musée officiel est créé. Autrement, elle restera dans la famille.
En 2001, Robert est maintenant à la retraite et décide de passer du temps avec son fils, Sean, à remettre la voiture dans un état correct. Mais, comme le dit son fils, la vie passe, il a eu sa première fille et son père tombe malade (Parkinson)…
2014 – aujourd’hui
Robert décède en 2014 et son fils Sean est maintenant le quatrième propriétaire de Bullitt. Toute sa vie, Robert a insisté pour garder « sa » Mustang dans la famille. Il aurait pu la vendre et récolter un paquet d’argent (on parle de millions de dollars) mais il la considère comme la Mustang de la famille et s’y est toujours refusé.
Sources
- 1968 Ford Mustang – Chasing Bullitt (MustangandFords.com)
- BULLITT MUSTANG #559 DISCOVERY (BRADBOWLING.COM)
- More Bullitt FAQ – 2nd owner revelation, mods to Bullit & more facts (IMBOC.com)
- Ponysite.de
- The Original Bullitt Mustang Has Come Out of Hiding (RoadandTrack.com)
- Crédits illustration de l’article : Ford
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